Exposition Les 3 Suites : la vie, l'amour, la mort
Presse : publication du 13/07/2019
Description
Epures et métamorphoses
 
Dans le noir, l’imaginaire ouvre l'espace à des possibles. Josef Ciesla n'exclut jamais ce que Derrida nomme un hymen susceptible de laisser poindre un monde nouveau.
 
Il fait émerger le possible ou l'impensable contre la fermeture et l'enferment de diverses douleurs en des traversées. Celle de la mer des migrants, celle des océans de l'amour. L'artiste nous contraint à scruter ce qui passe d'un non-lieu à la présence au moment où des fantômes prennent corps.
 
L'image n'est plus un tissu mais une trame. A perte de vue Josef Ciesla nous convoque à ce silence de l'être qui n'a pas encore vu le jour. En conséquence, cet être tente d'imaginer encore la tentation et le désir d'un monde que l'artiste fait exister, même si dans chaque œuvre l'être demeure isolé pour s'envoler loin des formes de mensonges qui font trop souffrir de l'absence de réalité.
 
Le corps résiste. Ses images protègent la pensée de la tentation du néant, entre extinction et renaissance. D'une certaine manière une vision s'efface : du corps ne demeurent que des ersatz, des sortes d'ombres. Mais l'artiste les congédie finalement dans un élan. Il transforme des présences crucifiées en des puissances de mouvements.
 
Les gencives du réel s'écartent. Qu'importe le risque : vivre reste un pari sur l'avenir. Il ne faut pas craindre les dangers. Peu à peu le noir se dissout. Des franges de lumière apparaissent. Contempler de telles images revient à lutter contre la douleur de ne vivre que des destins vides.
 
Face aux affaissements l'image avance noir sur blanc, elle est l'indication que, sur la matrice, une renaissance demeure toujours possible. Les défigurations de silhouettes réduites à leur simple expression créent des perspectives. Là où pourraient se toucher des points de non-retour, l'être est moins fixé que porté à une autre présence ou à une autre image qui sous-entend et appelle encore à l'existence.
 
Face à ce qui pourrait suggérer l'effroi et la glaciation morbide s'élève un chant des départs devant ce qui tue. Ciesla déplie des espérances aux limites du nommable et du visible dans l'innommable et l'invisible.
 
Tout est à la fois elliptique et obsédant. Car il faut que le dur désir d'être persiste - même lorsque cela semble devenir hors d'attente et d'atteinte. Restent ces mèches où l'affect innommable répond à l'enfer abyssal de l'être.
 
Dans les lambeaux d'un vocabulaire plastique, chaque image appelle une bouche et un visage contre les diverses pertes et disparitions. L'être demeure plus vivant que mort.
 
Ciesla, une nouvelle fois, n'est pas tourné vers la nostalgie mais vers la vie qui va encore devant. Il ne s'agit pas de restaurer un passé, mais d'aller vers un temps qui n'a jamais encore pu exister. A chaque ombre noire il est demandé un effort, il est accordé une espérance. Il ne s'agit pas d'articuler la mort dans la vie mais la vie dans la mort qu'on nous donne.
 
Devant ce qui demeure à l'état de fantôme dont le souffle possède l'odeur des cendres se lève une espérance. Il s'agit d'aller Pas à pas, nulle part (Beckett) ou ailleurs. Il s'agit de fuir l'horrible là où, l'impossibilité de parler, l'impossibilité de se taire et la solitude physique sont les plus grandes.
 
L'artiste apprend à nous débrouiller avec. Il projette sa puissance contaminante pour que nous évitions de crever de solitude et d'oubli afin de ne pas douter de l'existence. Il poursuit le recouvrement d'un être sinon sans corps du moins en état de le perdre*. L'imaginaire se déploie et trouve de nouvelles forces pour l'extraire du chaos. Le doute existentiel est retourné dans ces assauts au lyrisme qui vient écarter les épuisements.

Quelque chose suit son cours…


JPGP 5 mai 2019